Un
"Songe" de rêve |
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Il en fallait du culot pour s'attaquer à Shakespeare et à son " Songe d'une nuit d'été ". Comédie grave et cocasse, onirique et burlesque, le " songe " est sans doute la pièce la plus baroque de l'uvre du dramaturge anglais. Pièce monumentale se situant sur l'inquiétant territoire de la nuit et de ses ambiguïtés, aux frontières du bien et du mal, du sordide et de la grâce, des outrances et des perversités, du rêve et du cauchemar, Shakespeare met en scène dans le " Songe " l'éternel comédie du désir. Serge Pauthe et sa joyeuse bande du " Théâtre-Ecole " ont relevé le défi un peu fou de nous le présenter à Buis les Baronnies en ces tout premiers jours d'été, à l'ombre des tilleuls (1). Le résultat est à la hauteur de l'enjeu, superbe, féerique, d'une lumineuse et fragile beauté. Ce furent samedi soir trois heures de bonheur, à guichet fermé, devant un public envoûté !
Impossible de les nommer tous, ils sont tous à féliciter et le furent à juste titre en fin de représentation par les tonnerres d'applaudissements d'un public enthousiaste. Bercés, ponctués, enchantés par les churs de l'ensemble vocal " Cant'Ouvèze " dirigé par Christine Paillard, trois univers se mêlent et s'entremêlent dans le courant de cette folle nuit d'été au milieu des bois. Celui romanesque des quatre jeunes gens amoureux, celui onirique du royaume de la nuit et celui burlesque des artisans comédiens amateurs. Cette sensuelle nuit d'été devient alors, par le caprice de l'inquiétant roi des Elfes, une cruelle épreuve de vérité où s'affrontent les thèmes récurrents du théâtre shakespearien : Ruse et trahison, désirs et passions mais aussi théâtre dans le théâtre avec un évident plaisir jubilatoire qui fait se rencontrer le poète, le metteur en scène, les choristes et les acteurs, eux même artisans, étudiants, commerçants, agriculteurs dans les Baronnies...
Fédérer autour de lui de simples " habitants " pour le seul plaisir d'interpréter avec simplicité des textes parmi les plus beaux et les plus poétiques de la littérature mondiale de tous les temps. Alors, au de la des quelques rares maladresses et fautes de rythmes qui ont ça et là émaillé cette première représentation, le spectateur aura surtout été sensible à cette magnifique insolence, à cette fragile pureté de ceux qui se sont métamorphosés en " acteurs ". Touchant par sa vitalité comme par sa naïveté, le " Songe d'une nuit d'été " présenté à Buis les Baronnies est aussi un joli rêve qui se réalise... Texte
d' Alain Bosmans - Photos de Michel Flégon |